RD Congo : Des femmes occupent progressivement des postes de direction comme les hommes

Par Badylon Kawanda Bakiman

Des femmes en République démocratique du Congo (RDC), à l’instar des hommes,  occupent petit à  petit des postes de commandement et de prise de décisions dans des services tant publics que privés grâce aux différents plaidoyers et autres sensibilisations. Situation encourageante même si beaucoup reste encore à  faire, et cela respecte l’esprit de l’Objectif 5 des ODD ainsi que la ”Résolution 1325” des Nations Unies concernant le pilier ”Participation”.

Assise dans son bureau, Jeannette Kana-Kana est bourgmestre de la commune de Nzinda Á  Kikwit dans le sud-ouest de la RDC. Elle réfléchit, donne des ordres et arrête des décisions pour la bonne marche de sa juridiction. Comme bourgmestre, elle est la représentante du chef de l’Etat dans cette municipalité. Elle coordonne et dirige toutes les activités de sa commune. «C’est depuis 2009 que j’ai été nommée Á  ce poste par une ordonnance présidentielle sur demande de mon parti, le Parti lumumbiste unifié (PALU) qui voulait valoriser la femme. Je mets en pratique mon savoir-faire », déclare-t-elle d’un air calme.

Elle est secondée par son adjointe Nelly Mafuta. Celle-ci est issue du Mouvement social pour le renouveau, autre parti politique en RDC et nommée par la même ordonnance que Kana-Kana.

«Nous avions pris nos responsabilités avec détermination. La municipalité marche bien. Notez que dans cette commune, les postes de bourgmestre d’adjoint, de chef de bureau, de secrétaire et de responsable de l’Etat civil sont tous occupés par des femmes. C’est extraordinaire», affirme Mafuta.

La parité est aussi présente au sein des médias communautaires comme à  la Radio Sango Malamu à  Kikwit. Gandie Molisho, une jeune femme de plus de 30 ans, est directrice depuis plus de cinq ans.

«Je n’ai aucun complexe en faisant ce travail. Des journalistes et animateurs que je dirige respectent bien mes directives, mes initiatives pour développer l’entreprise et acceptent mes décisions », dit-elle.

De son côté, Doudou Kasongo, directeur adjoint et chargé des programmes, affirme que la collaboration avec la directrice titulaire est au beau fixe. «Nous nous démenons pour que la radio rende service comme il se doit à  la population », ajoute-t-il.

Le duo homme-femme aux commandes se retrouve aussi à  la Radio télévision nationale congolaise (RTNC), station de Kikwit, où Hélène Sanduku est chef de station depuis six mois, et Alpha Kimbiti, son adjoint et chargé de programmes. «La complémentarité entre nous deux fait qu’il y ait équilibre. Cela se passe très bien », souligne Kimbiti.

A la Radiotélévision La Voix de l’Aigle, une femme vient d’être nommée directrice. Il s’agit d’Espérence Nzila. Son adjoint est un homme, Patrict Mambu et tout semble aller comme sur des roulettes.

La promotion des femmes dans les médias précités est le résultat des plaidoyers menés par l’Union congolaise des femmes des médias (UCOFEM) : «Lors de ces plaidoyers, l’UCOFEM demandait aux propriétaires des médias de confier des postes de responsabilité et de prise de décisions aux femmes conformément à l’Agenda 2030 et à la ”Résolution 1325 des Nations Unies”  car ces femmes ont des atouts et des potentialités comme des hommes ou plus qu’eux. C’était crucial de tenter l’expérience», déclare Chantal Kindundu, directrice de l’UCOFEM dans la province du grand Bandundu.

Selon elle, ces plaidoyers ont été motivés par les résultats du monitorage de 2013 sur le genre dans les médias, rapport qui indiquait que la femme congolaise n’occupait pas une place importante dans des médias, et que sa voix n’était pas aussi entendue que celle de l’homme, c’est-à -dire 22% contre 78%.

A travers le pays, plusieurs femmes ont aussi obtenu des promotions et occupent des postes de responsabilité. A Kinshasa, capitale de la RDC, Charlotte Mampa est directrice du Centre pour le développement. «J’occupe ce poste depuis 2011. L’initiateur du centre m’avait découverte lorsque je passais régulièrement sur une télévision de la place pour sensibiliser et défendre les droits des femmes. Après m’avoir nommée directrice, il m’a donné comme adjoint son neveu, Gregoire Musobongo. Nous sommes donc Á  50/50 », se réjouit-elle.

A Lubumbashi, province du Haut-Katanga, dans le sud-est du pays, Espérance Tiba est chef du bureau des affaires juridiques à  la division provinciale de la décentralisation. «Chez nous, il n’y a pas d’adjoint. Je dirige plusieurs agents dont un secrétaire homme », raconte-t-elle.

Au Kasaï¯ oriental, au centre du pays, Martine Assui assume la présidence provinciale du Collectif des femmes de la majorité présidentielle basée à  Mbuji-Mayi. «Je suis issue de la Convention des Congolais unis, un des partis politiques du Congo. C’est depuis mai 2013 que j’ai reçu ma lettre de nomination. Mon adjointe est une femme. Donc, ici, les femmes dirigent à  100% », dit-elle.

Au Kongo central, dans le sud-ouest de la RDC, le Cadre permanent pour le développement intégré, une organisation non gouvernementale de développement basée dans la ville de Matadi, est dirigée par une femme depuis 2012,  à savoir Nicole Kingunzangolo. «Ce n’est pas facile de diriger et de gérer 37 agents. Papy Ndande me seconde comme adjoint », précise-t-elle.

Bien que plusieurs coutumes en RDC placent les femmes en dernière position et ne lui permettent pas de commander ou à  prendre des décisions car comme l’affirme un proverbe, «la poule ne doit pas chanter comme un coq», la situation a changé actuellement.

Grâce aux différents plaidoyers auprès des autorités, un changement encourageant s’opère et permet à la RDC de se rapprocher petit à petit de la Résolution 1325,  des dispositions du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui réclame la parité aux postes de décisions dans les secteurs public et privé.

Le droit à la participation et à la prise de décisions constitue l’un des douze domaines du Plan d’action de Beijing. La Résolution 1325 peut à ce propos être perçue comme le prolongement et l’adaptation de ce principe au contexte de consolidation de la paix. Le droit des femmes à la prise de décisions est un objectif qu’il faut envisager aussi bien horizontalement que verticalement. Bien souvent, on a tendance à évaluer le positionnement des femmes à partir des seuls postes de visibilité politique.

Cette avancée respecte aussi l’objectif 5 des ODD (Objectifs de développement durable).

En effet, le cinquième objectif est spécifiquement dédié à l’autonomisation des filles et des femmes. Il concerne l’égalité entre les sexes et vise à mettre fin à toutes les formes de discriminations et de violences contre les femmes et les filles dans le monde entier. Les cibles définies concernent : la lutte contre les discriminations et contre les violences faites aux femmes, l’accès des femmes à des fonctions de direction et de décision et l’accès universel aux droits sexuels et reproductifs. Il agit en interrelation avec les 16 autres ODD : il permet la conception et la mise en œuvre de toutes les politiques publiques au prisme du genre et encourage la mise en place de politiques dédiées à la lutte contre les inégalités qui subsistent et nécessitent des mesures positives en faveur des femmes.

« C’est  un grand pas pour les femmes. Actuellement, chaque ministère a un point focal genre. Mais le chemin est encore long. Nous allons aider ces femmes pour que leurs droits soient respectés le plus possible », déclare Laurent Bwenia Muhenia, un des cadres de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme en RDC.

En mai 2014, l’UCOFEM a publié un répertoire de près de 2000 femmes ressources en RDC et plus de 30% de ces femmes occupent des postes de direction.

La RDC devra s’évertuer à  faire plus d’efforts afin que la problématique de la parité hommes-femmes et la promotion de cette dernière soit traduite dans les faits.

 

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